Edition du 6/04/2005 Source le Dauphiné
ÉMOI DANS UN COLLÈGE ISÉROIS
Histoire banale ou mot de trop ?
Parce qu'il aurait dit à l'un de ses élèves qui sautait de chaise en chaise d'arrêter de faire le singe

et parce que cet élève est noir,

un enseignant de Moirans, près de Grenoble, est suspendu à titre conservatoire depuis cinq semaines.

Il était convoqué hier devant une commission de discipline.
"Nous contestons la forme et les conclusions de cette enquête", ont expliqué les collègues de l'enseignant suspendu, hier soir devant l'inspection académique. Photo Henri PORCHIER
L'histoire aurait pu passer inaperçue, à ranger dans le gros classeur des scènes de la vie ordinaire en milieu scolaire. La section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) du collège Le Vergeron à Moirans (Isère), avant les jolies vacances de février. Du chahut. Un élève qui saute de chaise en chaise. Et l'enseignant, qui voit rouge. La suite? À écrire au conditionnel. Alain Roche, instituteur spécialisé, aurait notamment dit à l'élève d'arrêter de faire le singe. L'élève est noir. Informé de l'affaire, l'établissement ouvre une enquête administrative.

Les jeunes sont interrogés, un rapport transmis à l'inspection académique.

Et Alain Roche, depuis cinq semaines, est suspendu à titre conservatoire par l'Éducation nationale. Il lui est reproché des propos racistes et injurieux. Et difficile d'en savoir plus. Le principal? "En déplacement", et donc injoignable. La famille? Personne ne sait comment la contacter. L'enseignant? Il n'a pas dit un mot hier, en arrivant à l'inspection académique, à Grenoble, où il devait passer devant une commission de discipline. Il faudra donc se contenter des mots de ses collègues, qui, en plus d'une pétition, manifestent depuis une semaine à l'entrée de l'établissement, après les cours. Et les collègues, de Moirans mais aussi de Coublevie, commune voisine, ils étaient là aussi hier, sous des banderoles «Solidarité, justice» et «Réhabilitation de M. Roche». Quelques-uns, avec des parents d'élèves, sont même allés témoigner. Et les autres, à l'extérieur, ont parlé. Pour dire... qu'ils n'en savent pas beaucoup plus. Marie-Odile Gay, professeur de mathématiques: "Je suis choquée car ce dossier a été monté sur le seul témoignage des élèves. Alain Roche n'a pas été entendu, il n'a pas pu donner sa version des faits. Nous contestons donc la forme et les conclusions de cette enquête car un seul côté a été pris en compte et ce n'est pas normal". D'après la maman d'un collégien, "nous n'avons jamais eu de retours négatifs sur M. Roche, qui était apprécié des élèves". Des propos confirmés par Valérie Vedrenne, professeur d'arts plastiques à Moirans. Mais atténués par une source qui évoquait hier soir "des éléments plus anciens qui ont conduit l'inspection académique à suspendre Alain Roche". À nouveau Valérie Vedrenne: "Je suis estomaquée. Ce qu'on reproche à M. Roche, c'est quelque chose qui peut nous arriver aussi. Il faut parfois recadrer des enfants qui sont très agités, avec en plus, dans une Segpa, de grosses difficultés scolaires et familiales. Je suis aussi estomaquée par l'absence de dialogue. On aurait pu écouter tout le monde, oui, on aurait pu tous se mettre autour d'une table et régler cette affaire dans le bureau du principal". Mais l'affaire s'est finalement retrouvée dans un autre bureau, celui d'une commission de discipline. Qui n'avait pas rendu sa décision à l'heure où nous mettions sous presse.
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